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Émilie Gevart, autrice

Le 01/04/2024

Dans Art vivant

J’ai rencontré Émilie pour la première fois il y a quelques années, elle se préparait alors pour le off d’Avignon. Aujourd’hui c’est le festival de théâtre contemporain qu’elle co-organise qui occupe ses journées. L’entretien se fait au téléphone. Parcours de vie et pandémie, on ne s’était pas parlé depuis longtemps. Sa voix me rappelle en un instant ce qui m’a marqué à notre première rencontre : un mélange étonnant de douceur et d’énergie.

Émilie artiste ? « Je ne me définis pas de la même façon en fonction du contexte. Je me sens écrivaine quand je suis en train d’écrire, autrice quand on me lit. Je suis metteuse en scène souvent, comédienne de théâtre encore quelquefois. »

Emilie anime aussi des cours de théâtre, est responsable artistique de la compagnie Le Poulailler et porte avec d’autres le festival Basse Cour à Poulainville.

Et s’il fallait choisir ? « J’aime bien le moment de l’écriture. J’écris depuis que je sais écrire. J’ai des caisses de cahiers de mon adolescence avec des romans, des nouvelles, des poèmes, mon journal quotidien. »

Après des recueils de poésie et des pièces de théâtre, Émilie a publié deux romans : La peau du personnage en 2018 et Les absents il y a un an. Son prochain, La chute est libre, est prévu pour début 2022 ( Ed° Les passagères ). Trois romans pour trois destins de femmes à des âges différents. « Des destins un peu brisés, traités avec une ironie peut être un peu mélancolique. »


Et le théâtre alors? « Le théâtre est venu à l’adolescence. J’étais très timide, je me suis lancée pour travailler sur mon côté introvertie. J’ai très vite animé des ateliers de pratiques amateurs. » La professionnalisation a renforcé son envie de transmettre, d’accompagner, de donner des directions. « Avec exigence et douceur. On n’est pas là pour faire mal aux gens. »

Un rôle qui lui va bien, dans l’ombre des coulisses mais responsable de ce qui se passe dans la lumière. « J’aime cette ambiguïté de clair-obscur, cette place qui me permet des mouvements de repli. » Dévoiler et cacher, tiendrait-on son thème de prédilection ? « Ce qui me passionne c’est l’univers mental, ce qui se passe dans une tête, le partage d’une solitude, le produit d’un imaginaire. Je suis aussi très attachée au pouvoir des mots. Le langage dit plus que les apparences. »

"LE LANGAGE DIT PLUS QUE LES APPARENCES"

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Les titres de ses créations me reviennent : Tout ça c’est dans ta tête, Temps de Parole... Je pense aussi à Cornebidouille, cette histoire pour enfants qu’elle a adaptée pour la scène et qui rencontre un beau succès. Un petit garçon qui refuse de manger sa soupe lutte contre une sorcière à coups de gros mots inventifs.


Nous évoquons enfin Sans oublier l’autric(h)e ( Ed° du Premier étage ), la prochaine création de la Compagnie Le Poulailler dont elle est l’autrice. Le titre lui a été imposé par un correcteur orthographique qui ne voulait pas entendre parler de ce mot usuel avant d’être censuré au XIXe siècle. « Le monde de la littérature reste tout de même un monde d’hommes. Je prends conscience de la place du féminin. Le sujet s’intègre naturellement dans mes créations. »


Être lue et jouée, vue et écoutée, est-ce que ça change quelque chose? « L’écriture est un espace où je reste libre. J'évacue ma noirceur. Je mets ce que je veux dans ma soupe de sorcière.» conclut-elle en douceur et dans un sourire.

 

 


Rédaction : Vincent Trelcat
Photos : David Lemoine