Charifas découvre la France après 2 ans dans des camps de réfugiés en Thaïlande. « Je suis arrivée officiellement à 7 ans du Cambodge comme réfugié politique. Mon père a eu l’intuition de quitter le pays juste avant 1975 et le début des génocides. J’ai des souvenirs où les soldats arrivaient armés dans notre village et tiraient en menaçant de couper les cheveux aux femmes ou de les tuer. Après 3 jours et 3 nuits de fuite, notre famille a trouvé refuge dans un camp en Thaïlande. Nous y resterons deux années avec mes parents, mon frère et mes trois sœurs. J’arrive le 19 avril 1977 en France. » En France, des amis cambodgiens travaillant pour le Dr Dubois, situé dans un village de Bourgogne vont les accueillir.
Cette opportunité permettra à sa famille de s'intégrer facilement dans leur nouveau pays. « C’est par l’école que vous réussirez » répétait son père à ses enfants. « J’ai toujours été motivée pour bosser ! Pour moi, la France m’a permis d'être ce que je suis ! Mme Dubois, à un Noël, m’avait offert un dictionnaire. J’allais toutes les semaines à la bibliothèque prendre des livres. Je m’en suis abîmée la vue à lire le soir en cachette... Qu’est ce qu'on est bien en France ! On peut vivre et se faire soigner ! » surenchérit Charifas.
En 1995, Charifas et Yann vont pour la première fois au Cambodge. Elle y retrouve des odeurs et la saveur de certains plats gardés en mémoire plus de vingt ans après. Un plat de nouilles au lait de coco avec du bœuf, des graines de sésame et du basilic Thaï font son ravissement gustatif. Je découvre au fil des minutes une femme qui est très cartésienne et qui est lucide sur ses qualités mais aussi ses défauts. « Je suis très binaire, le bien et le mal, je suis les applications, je ne dépasse pas la ligne. C’est mon côté asiatique, fataliste. J’admire ceux qui cherchent ! »
Sans doute que Charifas manque un peu de folie, mais elle sait compenser par un rire et une exigence qui font d’elle un ophtalmologue apprécié des patients qu’elle aime écouter. « Quand vous êtes quelqu’un d’ouvert vous parlez aux autres et j’aime écouter les gens. Je tends la perche et les patients se livrent. » Avec méthodologie, Charifas mène sa vie. Avec application, aux côtés de Yann, ils tracent leur parcours fait de birdies, de leur confort qu’ils ont su construire comme un nid douillet.
Le rire, les sourires l’emportent en cette fin de rencontre. Charifas, championne de l’intégration !
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Rédaction : Léandre Leber
Photos : Kevin Devigne