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Charifas, amiénoise au point de vue à "par"

Le 04/04/2024

Dans Portraits

Le fil d’ariane va prendre un nouveau chemin avec Charifas Lemesle. Une rencontre qui m’a été recommandée par plusieurs amis. Le challenge était là, partir d’une inconnue pour tisser de nouveaux liens !

Charifas Lemesle est arrivée en France par avion, vêtue d’un maillot de bain et chaussée de tongs. Une terre d’accueil pour sa famille qui fuyait le Cambodge. Elle pose un regard sur ce parcours et sa vie actuelle avec sourire et vitalité ! Charifas se confie chez elle, sur la terrasse, avec à quelques pas de la table, des clubs de golf.

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Tout respire le golf chez cette Amiénoise d’adoption. Même son époux à ses côtés, est un ancien pro du golf d’Amiens. Voir de près sa balle pour la frapper et voir au loin où elle retombe, finalement pour son métier, c’est essentiel !

Charifas est ophtalmologue et championne de France de Golf 2022. Résumer sa vie à cela serait trop simple. Pour Charifas la vie est faite pour être bien vécue et surtout à sa façon. Elle s'y emploie avec une énergie très convaincante. Pour le côté sport, l’hésitation était entre équitation et golf. Mais le choix s'est fait très promptement, après une chute de cheval !

Direction le golf de Salouël, et dès le premier coup de fer, la passion est là. À deux titres : pour le sport et pour Yann, le prof de golf, qui deviendra son mari 2 ans plus tard. 25 ans après, les deux passions sont toujours présentes ! Ils travaillent dorénavant ensemble tant sur le plan professionnel que sportif. Le couple habite un pavillon à proximité du golf de Salouël et de son cabinet. Elle y va à vélo. La proximité a du bon, un cocon protecteur pour cette grande bavarde !

À l’issue de ses études de médecine à Reims, Charifas arrive à Amiens en novembre 95, à l'hôpital Saint-Victor. « J’ai toujours voulu soigner les gens, je voulais être infirmière ! Alors autant passer les concours pour être médecin. Mais l’ophtalmologie c’est par hasard. J'ai fait médecine pour moi. Mais il est une réalité en France : même si vous êtes fils ou fille d'ouvrier, comme nous, en HLM, vous pouvez évoluer grâce au système éducatif, même si cela semble plus compliqué aujourd'hui. Pour mon père, ça a été beaucoup de fierté de me voir réussir cela. »

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Charifas découvre la France après 2 ans dans des camps de réfugiés en Thaïlande. « Je suis arrivée officiellement à 7 ans du Cambodge comme réfugié politique. Mon père a eu l’intuition de quitter le pays juste avant 1975 et le début des génocides. J’ai des souvenirs où les soldats arrivaient armés dans notre village et tiraient en menaçant de couper les cheveux aux femmes ou de les tuer. Après 3 jours et 3 nuits de fuite, notre famille a trouvé refuge dans un camp en Thaïlande. Nous y resterons deux années avec mes parents, mon frère et mes trois sœurs. J’arrive le 19 avril 1977 en France. » En France, des amis cambodgiens travaillant pour le Dr Dubois, situé dans un village de Bourgogne vont les accueillir.

Cette opportunité permettra à sa famille de s'intégrer facilement dans leur nouveau pays. « C’est par l’école que vous réussirez » répétait son père à ses enfants. « J’ai toujours été motivée pour bosser ! Pour moi, la France m’a permis d'être ce que je suis ! Mme Dubois, à un Noël, m’avait offert un dictionnaire. J’allais toutes les semaines à la bibliothèque prendre des livres. Je m’en suis abîmée la vue à lire le soir en cachette... Qu’est ce qu'on est bien en France ! On peut vivre et se faire soigner ! » surenchérit Charifas.


En 1995, Charifas et Yann vont pour la première fois au Cambodge. Elle y retrouve des odeurs et la saveur de certains plats gardés en mémoire plus de vingt ans après. Un plat de nouilles au lait de coco avec du bœuf, des graines de sésame et du basilic Thaï font son ravissement gustatif. Je découvre au fil des minutes une femme qui est très cartésienne et qui est lucide sur ses qualités mais aussi ses défauts. « Je suis très binaire, le bien et le mal, je suis les applications, je ne dépasse pas la ligne. C’est mon côté asiatique, fataliste. J’admire ceux qui cherchent ! »

Sans doute que Charifas manque un peu de folie, mais elle sait compenser par un rire et une exigence qui font d’elle un ophtalmologue apprécié des patients qu’elle aime écouter. « Quand vous êtes quelqu’un d’ouvert vous parlez aux autres et j’aime écouter les gens. Je tends la perche et les patients se livrent. » Avec méthodologie, Charifas mène sa vie. Avec application, aux côtés de Yann, ils tracent leur parcours fait de birdies, de leur confort qu’ils ont su construire comme un nid douillet.

Le rire, les sourires l’emportent en cette fin de rencontre. Charifas, championne de l’intégration ! 

 

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Rédaction : Léandre Leber 

Photos : Kevin Devigne